Le jeu au turn au Pot Limit Omaha Part2
Lors de cette deuxième partie sur le jeu au turn au PLO, notre coach Yeepaa, spécialiste de la variante, s'intéresse aux différents spots à jouer suivant la texture du board. Quand check/fold, check/raise ? Quand faut il prendre le lead, et pourquoi ?
Introduction
Nous avons évoqué comment le turn avait un poids si important et ce, notamment pour les bluffs, dans le sens où se tromper de sizing pourrait faire tomber à l’eau la plus belle histoire que vous pourriez raconter à votre/vos adversaire(s).
Maintenant, il n’y a pas que l’option de la mise à tout va en espérant faire folder le joueur qui nous à tenu tête préflop et encore sur le flop.
Comme dit dans la partie précédente, c’est aussi sur le turn qu’une bonne part du coup va se jouer, une carte qui double, un backdoor flush ou une flush possible pointe le bout de son nez, etc… autant de cas de figure qui vont soit paralyser l’action soit complètement détruire une main si prometteuse jusque là.
Les Textures de Turn – continuité du flop ?
Cas A
Flop anodin, K73 rainbow sur lequel nous avons frappé TP en plus de notre paire d’As, nous avons cbet et avons été call. Le turn est un 7 qui n’apporte pas de tirage supplémentaire puisque nous restons rainbow et là nous faisons face à un check/raise… Ici, en l’absence d’informations sur l’adversaire, le fold sera certainement la meilleure option car nous aurons trop peu d’outs/équité pour repasser devant s’il détient réellement le 7. Une main comme 7654 aura probablement payé au flop avec la paire et inner wrap (wrap de quinte sous forme de « gutshot » très largement améliorée).
Cas B
Flop comportant un FD (flush draw ou tirage couleur) et le turn complète la couleur. K73 avec 2 cœurs et le turn est le 2 de cœur, nous n’avons évidemment pas de flush nous même car sinon nous ne poserions pas trop de question (sauf à jouer de mauvaises cartes dès le départ et à nous retrouver avec une couleur hauteur 6 par exemple) et notre adversaire prend le lead ici. Encore une fois, la prudence sans informations (et même si nous avons estampiller comme bluff happy – grosse propension à bluffer – notre adversaire il faut si on veut rester dans le coup avoir une équité minimum qui ne pourrait être qu’un set pour tenter de démasquer le bluff et/ou repasser devant en réalisant un full ! je ne parlerais pas des cotes pour le moment).
Nous pouvons voir que le turn peut/va très souvent changer la cartographie des mains/ranges en présences et nous apporter soit une main gagnante soit une problématique à gérer.
Les Actions sur le turn et leur bien fondé
Check
Check/fold :
Ici, on sera dans le cas typique où nous avons misé préflop (la main importe peu). Le flop est arrivé et nous avons effectué ou non un Cbet. Quelque soit le cas de figure, le turn ne nous est pas favorable et il est préférable selon le profil de l’adversaire (certains sont très collant au flop mais peuvent lacher facilement le turn) de passer en check/fold et d’abandonner le coup.
Check/call :
Nous sommes ici dans un coup Oop (hors de position) et le check/call peut avoir plusieurs intérêts. Le fait d’être dans un jeu Pot Limit permet de ne pas faire gonfler le pot inutilement sans informations sur notre adversaire quand on détient une main moyenne. Nous pouvons le laisser s’enferrer dans un bluff peu à propos face à une main que nous avons. Dans un contexte multiway, nous pouvons espérer induire un move de la part d’un joueur agressif quand nous avons les nuts avec des tapis profonds pour qu’il nous fournisse un levier sur les stacks.
Check/raise :
Le check/raise ne doit pas être utilisé n’importe comment, à lui seul, il pourrait prendre quelques pages pour bien aborder ce move si connu et pourtant si mal exploiter. Les joueurs ont une tendance incroyable à faire un c/r avec des stacks qui justifient la prise de lead puisque le play de l’adversaire sera committant pour lui. Ici, on parle bien sur d’un c/r sur lequel on souhaite avoir de la Fold Equity.
De la même manière, un c/r dans un multiway aura la vertu d’ouvrir un levier intéressant sur les tapis en présence et sur le fait de nous commit nous-mêmes ou non selon nos équités et « envies » du moment.
C’est un move très puissant mais qui au plo peut être interprété de différentes manières et devra donc être manipulé avec « intelligence » et surtout selon l’adversaire et en adéquation avec ce que l’on veut réaliser. Il ne faut pas check/raise pour le move en lui-même « parce que ça fait bien… » mais bel et bien pour remplir un objectif pré-établi.
Bet
Bet/fold
Miser pour se coucher sur une relance est bien souvent mal perçu par pas mal de joueur « pourquoi je miserais si c’est pour me coucher face à une relance ? autant check/call ou give up de suite ». Même si cette logique parait cohérente, il va falloir incorporer à nos plans de jeux des séquences de thin value, de stack off light et surtout être capable de maintenir une pression sur nos adversaires sans pour autant nous envoyer en l’air. Prenons un exemple « bateau », nous avons ouvert au bouton par une relance préflop avec AAJ7 rainbow, le flop c’est présenté – 883 avec un FD possible, nous avons cbet légitimement dans ce coup Heads up, notre adversaire.
Ici, si nous cbetons « systématiquement » pour give up par un check en retour du check adverse et donc un abondon sur un lead de celui-ci sur la street suivante, nous serons trop exploitable et rendrons profitable pour nos adversaires les floats Oop qui sont pourtant si durs à manier en temps général. Miser pour jeter un check/raise de notre adversaire est un schéma bien plus puissant qui ne laissera que peu de marge de manœuvre à notre/nos adversaires – bien évidemment, si nous ne nous transformons pas en machine à bet/fold non plus – il faut bien évidemment prendre en compte l’évolution du board, les tendances adverses pour miser « en value » et être capable de jeter sur une sur-relance quand le joueur n’est pas un maniac du move.
Bet/call
Miser pour caller – a entrevoir surtout en jeu deep et avec une équité qui justifie de par les cotes offertes d’aller chercher notre tirage et avec si possible de l’implicite quand les dites cotes sont un peu limite.
En cash game, payer après avoir soi même miser dans un jeu à 100bb à la turn est souvent perçu comme un jeu faible, et il faut avoir une bonne raison pour ne pas soit « tout mettre au milieu » soit « fold sur une sur relance », dans un jeu plus profond et sans 3 ou 4 bet préflop, les stacks peuvent justifier d’aller « piocher » un de nos outs dans le cas d’un combo straight/flush draw trouvé sur la turn. Ah9h8d7d sur 8h6s2c – Jh – pour le top set trouvé chez notre adversaire sur le turn mais qui nous donne un combo draw puissant (même si pas nuts sur tous les outs) et qui nous offre une cote de 32.5% (soit aux portes des fatidiques 33% de la cote pour une relance à pot) et qui ne mérite pas de broke ici mais sachant que notre adversaire sera de plus enclin à payer une mise river voir à se broke de lui-même sur un de nos outs (tendances/tendances/tendances…) le call est une option non seulement intéressante mais certainement meilleure en terme d’EV en rapport avec le fait de broke sur cette turn.
Bet/broke
Ici, pas de demi mesure, on bet la turn pour tout mettre au milieu, on aura donc soit une mise committante si notre adversaire décide de revenir over the top et on devra avoir prévu cela en ayant les cotes (ou évidemment la main dominante) pour y aller « hardis les petits ».
Valoriser
Je vais terminer ce volet sur un point très mal perçu par la très grande majorité des joueurs. Valoriser sa main ne consiste pas seulement à miser quand on est max ou quasi mais doit se construire, et si oui dès le préflop, doit s’appuyer sur des bases solides en termes de connaissances d’équité, de reads solides des adversaires mais aussi sur les leviers utilisables.
On construit un pot dès l’initiative d’un coup, il faut savoir s’en désengager avant l’inflation de celui-ci si on a une équité détruite par le board et un adversaire difficilement bluffable (une belle calling station contre qui se cantonner à miser/miser quand on est en belle position et à oublier les bluffs).
Pourtant même contre ce type de joueur, il faut appréhender le comment on va lui soutirer des jetons, prenons un cas « basique », on a KQJx avec un FD K high possible, le flop s’ouvre après notre ouverture à 3bb préflop, payée par notre ami la CS sur A9x avec une carte et une seule sur notre potentielle couleur et c’est l’A, notre backdoor sera donc nuts si il arrive.
Nous cbettons ce flop qui de toutes façon n’a pas forcément impacté le range trop large de notre adversaire, il nous call et nous trouvons un T assorti à l’as qui nous amène le NFD + inner wrap soit dans le pire des cas (sauf outs splités) 16 outs, soit de quoi de toute façon payer une mise à pot de l’adversaire si il lui prenait envie de lead en étant dans les clous de l’EV.
Il check devant nous, nous sommes deep, il nous reste 90bb+ avant cette turn sur un pot qui en fait 14. Nous misons 8bb, il nous paye encore !
Ici, je ne vais pas parler de la river ou de ce qu’elle va apporter mais du fait qu’une grande portion de joueurs va check ici, parce qu’il vient de trouver de l’équité et qu’il n’a pas envie de se trouver confronter à un check/raise et ce, sans même avoir prit en compte les tendances de l’adversaire et ses propensions à réaliser ou non un tel move.
Mais surtout ils renoncent à des mises de valorisation en étant en bonne position contre le range adverse et avec une équité/potentialité d’amélioration intéressante.
Nous allons conclure le volet sur la turn ici, en encourageant chacun à réfléchir à chaque action qu’il fait et surtout à comprendre pourquoi il l’a fait et les options qui vont arriver sur tel ou tel move en retour de l’adversaire.
Comprendre les « angulaires » du jeu à la turn va permettre de maximiser ses profits aussi bien que de se sortir de mauvais spots à moindre frais.
